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Lazarus 12
28 avril 2015

Le problème de la représentation des musulmans de France

Alors qu’il a annoncé vouloir créer une autre instance de dialogue avec l'islam en France, le gouvernement va se heurter à un problème de taille: l'identification de la «communauté musulmane». Quelques semaines après les attentats de janvier, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve, en visite à Bordeaux, a fait part de sa volonté de réorganiser la représentation de l’Islam en France. Quelques jours plus tard, c’est Manuel Valls qui disait vouloir s'attaquer au «défi» de «tout ce qui retarde un Islam de France», même s’il considère que celui-ci est déjà une «réalité». «Depuis 2012, la gauche n’a pas voulu être trop intrusive dans les affaires du CFCM. Mais avec les récents événements, il y a eu une bascule», nous explique Bernard Godard, ancien fonctionnaire du ministère de l’Intérieur et auteur du livre La question musulmane en France, édité chez Fayard. Derrière cette volonté de renouvellement, un acronyme revient régulièrement dans les discours de nombreux spécialistes: le CFCM. Le Conseil français du culte musulman fait l’objet d’attaques régulières sur sa capacité à représenter et défendre les intérêts des croyants. Le Monde rapportait en février que le président de l'institution, Dalil Boubakeur, avait écrit à François Hollande pour demander des précisions sur les intentions du gouvernement, craignant qu’on lui «cache quelque chose». Aujourd’hui, celui qui est aussi recteur de la Mosquée de Paris le martèle à Slate.fr: «Le CFCM sera au coeur de cette instance et gardera toute son importance. Le ministre de l'Intérieur nous l'a confirmé, le Conseil sera incontournable. Il y aura donc une instance cultuelle, c'est-à-dire le CFCM, et une instance sociétale qui traitera ce qui ne relève pas directement du Conseil.» Le chemin de croix du CFCM Jusque-là, l’Etat peinait depuis de nombreuses années à établir un dialogue avec les musulmans de France au sens large, et il suffit de se pencher sur l’histoire du CFCM pour comprendre le malaise qui entoure son rôle. Le CFCM tel qu’on le connaît a mis plus de 25 ans à voir le jour Le Conseil tel qu’on le connaît a mis plus de 25 ans à voir le jour. En 1988, le Corif, le Conseil de réflexion sur l’islam de France, a été lancé par le ministre Pierre Joxe, mais n’a jamais reçu le support des musulmans qui le jugeaient déjà «artificiel». En 1993, Charles Pasqua proposera le Conseil représentatif des musulmans de France, déjà présidé par Dalil Boubakeur et reposant sur une charte. Mais là encore, nouvel échec: beaucoup reprochaient la prédominance de la mosquée de Paris, très proche d'Alger qui la finance en partie. Rebelote en 1999 avec le ministre de l’Intérieur Jean-Pierre Chevènement qui tente de relancer la consultation. Suivront des démarches similaires début des années 2000, avec Daniel Vaillant puis en 2003 avec Nicolas Sarkozy. Alors ministre de l'Intérieur, il créera le CFCM tel qu'on le connaît aujourd'hui. En avril 2003, un premier conseil est mis en place après des débats houleux autour du mode de scrutin, et Dalil Boubakeur accède au poste de président, qu'il cèdera le temps d'un mandat entre 2008 et 2013, à Mohammed Moussaoui. Aujourd'hui, le système électoral du CFCM, assez complexe, prévoit que les présidents de mosquée affiliées au Conseil choisissent des délégués électeurs (dont le nombre varie en fonction de plusieurs critères, notamment la surface du lieu de culte). Ces derniers voteront ensuite pour les fédérations régionales (CRCM) qui elles-même désigneront alors les membres du conseil administratif du CFCM. Pour M'Hammed Henniche, le secrétaire général de l'union des associations musulmanes de la Seine-Saint-Denis (UAM93), les Français musulmans n'ont donc pas leur mot à dire sur les élections, posant selon lui des problèmes de népotisme. «Au lieu de laisser le CFCM magouiller, il faut donner la possibilité à tous les musulmans de voter, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.» De plus, une part relativement faible des mosquées de France vote. Lors des dernières élections en 2013, le CFCM a fait savoir que le taux de participation de ses délégués était de 77 %. Sauf que ces votants sont désignés par les 901 mosquées affiliées au CFCM. Or, on estimait en 2012 qu'il y avait près de 2.500 lieux de cultes musulmans en France... De plus, les actions menées par le CFCM depuis presque 12 ans peuvent paraître floues, et aujourd’hui encore, beaucoup de spécialistes et de fidèles musulmans s’interrogent sur son efficacité.

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